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« Maman, j’ai gagné un Oscar » : l’incroyable revanche de Ke Huy Quan

Sacré meilleur acteur dans un second rôle pour « Everything Everywhere All At Once », Ke Huy Quan, l’enfant-star de « Indiana Jones », n’avait pratiquement rien tourné durant 36 ans.

Il est des revanches plus savoureuses que d’autres. Celle du comédien Ke Huy Quan, Oscar du meilleur acteur dans un second rôle – c’était sa première nomination – à 51 ans, surpasse toutes celles de cette incroyable 95e cérémonie. Car il y en a eu, des destins contrariés à Hollywood qui ont enfin connu la reconnaissance durant cette soirée. Tel Brendan Fraser, ex-jeune premier blacklisté à la suite d’ennuis de santé et d’une agression sexuelle, qui a décroché la statuette de meilleur acteur pour sa performance d’hyper-obèse dans « The Whale ».

Lui aussi, c’était sa première nomination, tout comme deux comédiennes du long-métrage grand vainqueur de la soirée avec sept statuettes dont meilleur film, « Everything Everywhere All At Once » : Michelle Yeoh et Jamie Lee Curtis. La première repart, à 60 ans, avec l’Oscar de la meilleure actrice, après une longue et magnifique carrière ignorée jusque-là par l’Académie des Oscars. Une académie qui a également longtemps « oubliée » Jamie Lee Curtis malgré un formidable parcours professionnel : à 64 ans, la fille de Tony Curtis et Janet Leigh remporte, toujours grâce à ce film fou, la statuette de meilleure actrice dans un second rôle.

Mais celui qui a connu le chemin de vie – tant personnel que professionnel – le plus tortueux, c’est bien Ke Huy Quan. Il l’a rappelé, en larmes, sur la scène des Oscars : « Mon parcours à débuté sur un bateau ». Né à Saïgon en 1971, le jeune vietnamien fuit son pays dans des conditions précaires avec ses parents et d’autres « boat people » alors qu’il n’a que 4 ans. Réfugié aux Etats-Unis avec sa famille, il est repéré en Californie, où il est scolarisé, par Steven Spielberg alors qu’il n’a que 12 ans. Le cinéaste lui confie le rôle, adoré du public, de Demi-Lune, face à Harrison Ford dans « Indiana Jones et le Temple Maudit », énorme succès de l’année 1984 qui lance le désormais jeune comédien.

« Maman, j’ai gagné un Oscar »

L’année suivante, il enchaîne avec une autre production Spielberg : « Les Goonies ». Suivront quelques séries… et c’est à peu près tout. En l’espace de 36 ans, Quan ne va tourner que dans cinq longs-métrages, pour de rôles mineurs, et trois projets pour la télé. Hollywood l’a oublié. Mais lui ne va pas quitter le cinéma pour autant. Bardé de diplômes de langues et de cinéma, il est également spécialiste du taekwondo, art martial auquel il a été initié sur le tournage de « Indiana Jones ». Alors, pour gagner sa vie, il va devenir un acteur de l’ombre, plus précisément un cascadeur et une doublure, réglant les scènes très chorégraphiées de films d’action grâce à sa maîtrise du taekwondo sur des longs-métrages tels que « X-Men ».

Il est donc presque surpris quand les « Daniels », alias Daniel Kwan et Daniel Scheinert, les réalisateurs de « Everything Everywhere All At Once », lui proposent d’interpréter le mari de Michelle Yeoh dans le film. Mais eux, qui sont si cinéphiles et si épris de pop culture, n’ont pas oublié Demi-Lune. Et ils savent que ses compétences en arts martiaux serviront à merveille les nombreuses séquences d’action du film. Depuis, il vit avec sa nouvelle « famille » de cinéma un rêve éveillé. Car le long-métrage, baptisé « EEAAO » par le public, est devenu en quelques mois de 2022 le film-phénomène dont tous les Américains parlent. Ce qui a encore plus soudé cette équipe de vétérans d’Hollywood auxquels deux jeunes cinéastes ont su faire appel.

On comprend mieux l’émotion qui les a saisis tour-à-tour sur la scène des Oscars. En particulier celle Ke Huy Quan. L’enfant boat-people, qui a hurlé « Maman, j’ai gagné un Oscar », a vu « EEAAO » annoncé comme vainqueur du meilleur film par Harrison Ford, remettant d’un soir, et Steven Spielberg, concurrent malheureux, était présent dans la salle pour assister au triomphe tardif de Demi-Lune… Une histoire qui ferait un formidable scénario, auquel Spielberg pense peut-être déjà…

Texte by Le Parisien  Renaud Baronian