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Le marché des cartes Pokémon est devenu fou

Les ventes explosent, les prix flambent et les sociétés d’estimation n’arrivent plus à suivre

Si vous possédez de vieilles cartes Pokémon dans un tiroir, vous devriez peut-être y jeter un œil. Conséquence probable d’un confinement mondial qui a contraint des millions d’adultes à tuer le temps et essayer de gagner un peu d’argent par tous les moyens possibles, 2020 est déjà millésimée pour la licence la plus lucrative au monde, qui fête son quart de siècle cette année.

Inspiré par des YouTubeurs stars comme l’Américain Logan Paul, tout le monde se met à vendre ses vieilles cartes en espérant toucher le gros lot.

Mesurez plutôt: entre 2019 et 2020, constataient Les Echos en février, le volume de cartes Pokémon échangées sur eBay a augmenté de 574%. Et contrairement à ce que nous apprend le capitalisme sur la relation offre et demande, cette augmentation du volume est allée de pair avec une envolée stratosphérique des prix.

En janvier, un lot de 103 cartes daté de 1999 était évalué à 750.000 dollars; le mois suivant, c’est un Dracaufeu qui partait pour 418.000 euros sur eBay. Une dernière folie? À l’heure actuelle, eBay propose un assortiment de cartes de première édition contre la modique somme de… 6 millions de dollars (4,98 millions d’euros).

La folie autour du marché des cartes Pokémon, énième marché des objets de collection à être contaminé par la bitcoinisation du monde, n’est pas tout à fait neuve.

Mais comment en évaluer la valeur? Pour les vendeurs, deux solutions: se fier à l’argus des cartes sur eBay et évaluer la cote de chaque carte via son numéro de série et l’index de la maison d’enchères PWCC, qui fait office de référence, ou faire évaluer sa carte par une agence de notation.

Ces entreprises fournissent une «gradation» de chaque carte, de 1 à 10, en fonction d’une série de critères esthétiques précis, qui estime précisément son état d’usure et l’authentifie au passage.

Centrage, couleurs, état des coins, rayures, taches… le cahier des charges est maniaque. Une carte 1 est «very poor» tandis qu’une carte 10+ est «Collector» –le Graal du collectionneur. La même carte, qu’elle soit gradée 1 ou 10, peut voir sa valeur multipliée par 10.

Tsunami de Pikachus

Aux États-Unis, le «grading» est géré par Professional Sports Authenticator (PSA), Certified Guaranty Company (CGC), et Beckett Grading Services (BGS).

En France, c’est Professional Cards Authenticator (PCA) qui s’y colle depuis 2016. Deux ans plus tard, ces cartes certifiées étaient vendues pour la première fois à Drouot. Mais l’évolution de la demande en gradation est tellement forte que même les mastodontes américains n’arrivent plus à suivre, rapporte Vice le 30 avril.

Malgré des heures supplémentaires à foison, des embauches de dizaines d’employés et même de l’investissement dans des solutions d’intelligence artificielle pour l’expertise automatique des cartes de faible valeur, les délais d’attente s’allongent inexorablement: il faut désormais compter plusieurs mois, et parfois près d’un an, pour faire expertiser les cartes les plus rares.

Les bénéfices monstrueux de ces entreprises n’y suffisent pas: elles n’arrivent tout simplement pas à répondre à la demande. Et sans ces rouages essentiels, c’est toute l’économie des cartes Pokémon qui tangue.

Les vendeurs, réduits à envoyer leurs cartes par courrier sans avoir aucune idée du jour où elles leur reviendront, s’impatientent, s’énervent, demandent des comptes. Vingt-cinq ans après, tout le monde veut attraper des Pokémon –mais les enfants ont bien grandi, et les priorités aussi.

Korii

Thibault Prévost