Avant une pause à l’heure du déjeuner, près de deux heures plus tard, il a déroulé la moitié de son argumentaire, dans ce dossier très médiatique ; une trentaine de journalistes étaient d’ailleurs présents ce lundi matin, sur les bancs en bois spartiates de la Crown Court. « Ce dossier d’accusation est simple et il n’a pas grand-chose à voir avec le football, a lancé le procureur en préliminaire. Il s’agit plutôt d’un nouveau chapitre d’une très vieille histoire : des hommes qui violent et agressent sexuellement des femmes, parce qu’ils se croient puissants et parce qu’ils pensent pouvoir se tirer d’affaire. »
Sous le regard des deux accusés, assis dans le « dock » et à qui le dossier d’accusation a été également distribué, le procureur Cray poursuit alors son discours, en entrant dans le vif du sujet. Et en évoquant Louis Saha Matturie, d’abord. Le coaccusé (sans rapport avec l’ex-attaquant Louis Saha) est visé par douze chefs d’infractions sexuelles, dont huit viols. Ce lundi, il a été présenté comme un « fixeur » par l’accusation, un « assistant » et un « ami » de Mendy, qui aurait été chargé de « trouver des jeunes femmes et de créer des situations où elles pouvaient être violées et agressées sexuellement », a précisé le procureur.
Un « manoir » dans lequel on pouvait se sentir « vulnérable »
Accusé de huit viols, une tentative de viol et une agression sexuelle, Benjamin Mendy a été présenté, tout comme son comparse présumé, comme un « prédateur » par le procureur Cray. Les faits dont est soupçonné le défenseur de Manchester City – suspendu depuis près d’un an par son club – se seraient déroulés à son vaste domicile de Prestbury, dans le Cheshire, entre le 25 octobre 2018 et le 23 août 2021, soit trois jours avant son arrestation. Le natif de Longjumeau (Essonne), qui a passé 134 jours en détention provisoire, bénéficie d’une liberté conditionnelle depuis le 7 janvier.
Le domicile champêtre de Mendy, c’est un « manoir », a poursuivi le procureur, dans lequel on pouvait se sentir « vulnérable, effrayé, isolé ». Une « vulnérabilité accentuée par d’autres faits importants dont vous entendrez parler », a-t-il dit au jury. Tels que la conduite « des plaignantes dans des pièces qu’elles croient verrouillées », « le fait que certaines femmes étaient ivres et que les accusés voulaient qu’elles le soient » et les « différences d’âge et de richesse entre les accusés et les plaignantes ».
« De nos jours, plus personne ne peut douter que : »Non, ça veut dire non » »
L’apparente sérénité montrée par Benjamin Mendy, depuis le début du procès, le 10 août, n’est alors plus de mise. Visage fermé, bouche raide, le champion du monde 2018 écoute le procureur poursuivre son adresse au jury : « Voici deux importantes questions que vous allez devoir considérer. Que s’est-il passé dans la maison de Mendy les jours en question ? Qu’y avait-il dans cette maison qui rendait ces femmes vulnérables ? » Une vidéo des différentes pièces du « manoir » du latéral a également été diffusée, sur deux écrans, pendant l’audience. Le joueur et son « assistant » Matturie, qui ont plaidé non coupable de chacune des charges qui pèsent à leur encontre, soutiennent que les plaignantes étaient consentantes, a rappelé le procureur.
« De nos jours, plus personne ne peut douter que : »Non, ça veut dire non » », a-t-il également lancé, comme un écho aux bouleversements sociétaux engendrés par le mouvement #MeToo. Ce droit fondamental de dire »non » au sexe doit bénéficier à tout le monde. Et on ne perd pas ce droit parce qu’on est allés dans un bar, qu’on s’est habillés pour sortir en boîte ou qu’on s’est rendus chez un footballeur. » C’est évidemment sur ce thème central – le consentement, ou pas, des victimes présumées – que les jurés devront se prononcer puis aboutir à un verdict à l’issue de ce procès, qui doit durer quinze semaines.