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L’IA aux échecs, le plug de la discorde

Le joueur d’échecs Hans Niemann est accusé de tricherie suite à sa victoire contre le champion du monde Magnus Carlsen. Le jeune homme de 19 ans aurait reçu des instructions de coups via des vibrations émises par un plug anal. Ce scandale révèle la relation tumultueuse des humains et des ordinateurs dans le monde des échecs, qui découle d’une rivalité vieille de 25 ans.

Le 4 septembre 2022, lors du tournoi d’échecs de la Sinquefield cup aux États-Unis, le jeune Hans Niemann sort vainqueur de sa rencontre contre le champion du monde Magnus Carlsen. Ce dernier essuie alors sa première défaite depuis 53 matchs. Deux semaines plus tard, les deux hommes s’affrontent à nouveau. La partie commence, quand, soudain, coup de théâtre : Carlsen abandonne. Il éteint la caméra qui retransmettait ses coups, et laisse les spectateurs incrédules sans explications.

Les accusations fusent les jours suivants. Niemann est suspecté de triche : certains joueurs professionnels se disent étonnés par son niveau qui paraît anormalement élevé au vu de son palmarès. « De 17 à 19 ans, on ne progresse pas aussi vite que ça», juge Eloi Relange, grand maître international et président de la Fédération française des échecs. Le jeune américain a décroché son titre de maître à 17 ans, alors que les 12 autres joueurs de moins de 25 ans qui figurent parmi les 50 meilleurs au monde ont atteint ce rang à un âge compris entre 12 et 16 ans.

En l’absence de preuve matérielle, de nombreuses théories se multiplient sur Internet pour déterminer le subterfuge. Les rumeurs parlent d’abord d’oreillettes, puis de semelles vibrantes. Une autre supposition, qui paraît d’abord incongrue, finit par s’imposer comme une explication tout à fait plausible. Niemann se serait inséré un plug anal avant sa partie, afin de recevoir des consignes de jeu via des pulsations.

L’intéressé s’en défend et clame son innocence d’une manière qui frôle l’insolence. « Je pense que Magnus Carlsen est dégouté d’avoir perdu face à un idiot comme moi. C’est embarrassant pour un champion du monde. Je me sens mal pour lui ! » déclare-t-il sans sourciller devant les caméras du Saint Louis Chess Club. C’est un véritable scandale.

Le monde des échecs est mis en émoi. Les réactions ne se font pas attendre, et en particulier celle d’un certain Garry Kasparov, qui se montre très critique envers l’attitude de Carlsen. Il assène, lors d’une interview, qu’il est « inacceptable » de quitter un tournoi en cours, même dans le cas où il y aurait effectivement des preuves de tricherie.

Cette intervention résonne d’autant plus lorsqu’elle est mise en perspective avec l’histoire des échecs. Kasparov est en effet un monument de la discipline : il l’a dominée pendant quinze ans. Cependant, si l’histoire retient son nom, c’est aussi en tant que premier champion du monde à avoir été battu par un ordinateur. C’était il y a 25 ans.

Un jour marqué d’une pierre blanche

En mai 1997, le champion d’échecs Garry Kasparov dispute sa deuxième confrontation contre Deep Blue, un superordinateur conçu par IBM. Lors de la première rencontre, quinze mois plus tôt, le joueur russe était sorti vainqueur. Ce nouveau face-à-face allait prendre une toute autre tournure.

Pendant la première manche, Kasparov est perturbé par un coup insolite de l’ordinateur dont il ne saisit pas la logique. Il finit tout de même par l’emporter. S’ensuit le deuxième round, et Deep Blue se révèle toujours aussi imprévisible. Le joueur russe perd ses moyens et concède la partie. Au bout de la sixième, il est forcé de s’incliner. Un véritable coup de tonnerre : pour la première fois, un champion du monde était vaincu par une intelligence artificielle.

L’intervention de Kasparov en réaction à l’attitude de Carlsen révèle l’impact de cette défaite sur les échecs. Les joueurs se retrouvent traumatisés, et l’intelligence artificielle apparaît invincible. Concrètement, la victoire de Deep Blue se répercute d’abord sur l’économie du sport : lors des tournois du champion suivants sa défaite, les sponsors se montrent plus réticents qu’auparavant à le financer. De l’autre côté, la publicité indirecte dont a bénéficié IBM s’élèverait à 500 millions de dollars. Dans l’imaginaire collectif, l’ordinateur s’impose comme le véritable numéro un.

Je pense donc je suis ?

En 2006, le champion du monde Vladimir Kramnik s’incline face à un ordinateur de bureau tout à fait standard. À partir de là, les humains doivent composer avec la supériorité intellectuelle des machines aux échecs, et l’entraînement à l’aide d’algorithmes se démocratise largement parmi les professionnels. Garry Kasparov lui-même est considéré comme le premier à avoir approfondi son étude des ouvertures à l’aide de programmes.

Eloi Relange, qui n’était qu’un jeune joueur prometteur en 1997, explique que les professionnels n’utilisaient les ordinateurs que pour vérifier leurs erreurs tactiques. Aujourd’hui, les meilleurs ont recours à l’intelligence artificielle pour « trouver des idées qui surprendront leur adversaire », affirme le désormais président de la Fédération française des échecs à La Croix.

Le lissage du jeu se présente comme le risque principal de telles pratiques. Les joueurs délaissent leur créativité, pour se concentrer sur des atouts plus pragmatiques, comme l’étude des coups répertoriés. Plus que le talent, ce sont désormais les heures investies à apprendre les différentes combinaisons qui semblent mener à la victoire. Les paradigmes sur lesquels reposait la discipline subissent une mutation radicale.

Si les professionnels se préparaient rigoureusement avant leurs performances, le grand maître Matthew Sadler affirme que « la quantité de choses qu’il y à retenir a tout simplement explosé » avec l’arrivée des programmes. « Le frisson provenait du fait d’utiliser son esprit de manière créative, et travailler sur des solutions de problèmes stratégiques. Pas de se tester les uns les autres pour voir qui a la meilleure mémoire », regrette le joueur international Wesley So dans les lignes du média The Atlantic.

Les professionnels s’appuyant de plus en plus sur un apprentissage par cœur dicté par les machines, leur autonomie de sportif diminue. L’aboutissement de cette évolution semble logique, et la discipline se voit bientôt frappée d’un large fléau : la triche. Hans Niemann n’a rien inventé.

Être ou ne pas être

Le constat se pose avec une simplicité décourageante. Malgré tous les efforts que peut fournir un humain, il sera toujours battu à plates coutures par un programme informatique. Ironiquement, le même Vladimir Kramnik vaincu par un ordinateur, avait été accusé de tricher avec des algorithmes, lors du tournoi qui l’a sacré champion du monde quelques mois avant sa défaite.

Les fraudes se multiplient parmi les sportifs peu scrupuleux. En 2015, le grand maître géorgien Gaioz Nigalidze est pris en train de faire tourner des programmes sur son téléphone, dans les toilettes, lors d’un tournoi à Dubaï. La Fédération Internationale des échecs mène une enquête, et le fautif est finalement banni de la compétition pendant trois ans. Cet événement marque un tournant, retenu comme le premier cas où le comité de lutte contre la triche a appliqué une sanction.

Les joueurs sont désormais sommés de laisser leur téléphone au vestiaire, et les compétitions commencent avec des fouilles. Aujourd’hui, Hans Niemann a avoué avoir triché lors de tournois en ligne. Selon le site chess.com, qui a récemment publié un rapport de 72 pages, il aurait « vraisemblablement » sévi dans plus de 100 parties sur Internet, dont certaines dotées de prix.

La tricherie aux échecs apparaît d’autant plus mesquine qu’elle se révèle très difficilement identifiable, notamment depuis la démocratisation du jeu en ligne. Elle ne s’expose que lors de grands événements, à l’instar de la confrontation entre Niemann et Carlsen. Le joueur de haut niveau Kenneth W. Regan explique, lors d’une interview qu’il a donné ce mois au LA Times, qu’il arrive souvent que des jeunes au talent invraisemblable, à la situation comparable à celle de Hans Niemann, surgissent de nulle part. Dans la plupart de ces cas, leur intégrité sportive est remise en cause.

Vivre et laisser vivre

Malgré tous ces bouleversements, les échecs ont survécu. La fraude fait beaucoup de dégâts, mais elle n’est pas la seule nouveauté apportée par les ordinateurs. Ces derniers ont d’abord le mérite d’avoir rendu l’apprentissage du jeu largement plus accessible, et donc plus démocratique.

De plus, l’intelligence artificielle a ouvert de nouvelles voies aux amateurs d’échecs, en leur faisant appréhender des coups qui étaient considérés trop risqués. Les possibilités de jeu ont ainsi été élargies, faisant évoluer la discipline. Dans une interview pour Le Temps sortie en 2019, Garry Kasparov affirme que si sa défaite contre Deep Blue l’a bouleversé à l’époque, il considère rétrospectivement qu’elle s’impose comme « une victoire pour l’humanité ». Selon l’ancien champion, l’avenir des hommes ne se situent pas derrière pas les machines, mais à leurs côtés.

Enfin, l’instinct et le talent garderont toujours leur part d’importance dans les échecs. En attestent les parties rapides, notamment utilisées pour départager les adversaires lors d’une égalité, pendant lesquelles il est impossible ne pas commettre d’erreurs au vu du timing imposé. Si les programmes indiquent les meilleures ouvertures à jouer, il incombe encore à l’humain d’élaborer la stratégie optimale à partir de ce coup.

Selon le site chess.com, seulement 0,2 pourcent des joueurs triche lors de tournois en ligne : un chiffre bien plus bas que ce qu’estime l’imaginaire populaire. La communauté des échecs semble particulièrement soucieuse de remettre à jour ce qui faisait le charme de la discipline : le frisson d’un duel de l’esprit, le vertige devant l’infinité des possibilités permises par 64 cases, et la créativité qui s’exprime sur le plateau tandis que se renouvelle un jeu qui a vu le jour il y a tant de siècles.

Texte by views.fr

En Italie, l’extrême droite remporte une victoire historique

Fratelli d’Italia de Giorgia Meloni a remporté près d’un quart des voix lors des élections législatives ce dimanche. La coalition que le parti post-fasciste forme avec la Ligue de Matteo Salvini et Forza Italia de Silvio Berlusconi devrait obtenir la majorité absolue au Parlement.

La coalition que Fratelli d’Italia forme avec l’autre formation d’extrême droite, la Ligue de Matteo Salvini, et Forza Italia, le parti conservateur de Silvio Berlusconi, raflerait jusqu’à 47 % des suffrages. Avec le jeu complexe du système électoral, elle devrait s’assurer la majorité absolue des sièges aussi bien à la Chambre des Députés qu’au Sénat. Si ces résultats se confirmaient, FdI et la Ligue remporteraient ensemble « le pourcentage le plus élevé de votes jamais enregistré par des partis d’extrême droite dans l’histoire de l’Europe occidentale de 1945 à aujourd’hui », a relevé le Centre italien d’Etudes électorales (CISE).

Ce séisme intervient deux semaines après celui qui, en Suède, a vu la victoire d’un bloc conservateur comprenant les Démocrates de Suède (SD), parti issu de la mouvance néonazie qui a réalisé une forte percée, devenant la première formation de droite du pays nordique. SD et FdI font partie du même groupe au Parlement européen. Dans ce qui a été (mal) perçu à Rome comme un avertissement sans frais, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a rappelé que l’Union européenne (UE) disposait « d’instruments » pour sanctionner les Etats membres portant atteinte à l’Etat de droit et à ses valeurs communes.

Embûches

Giorgia Meloni a prévenu Bruxelles qu’elle exigerait de revoir les termes de la relation de l’Italie avec l’UE : « La fête est finie, l’Italie va commencer à défendre ses intérêts nationaux », a-t-elle mis en garde. Elle réclame notamment une réforme du pacte de stabilité et la renégociation, pour tenir compte de l’inflation, de l’aide colossale de 190 milliards d’euros octroyée par ses partenaires européens à la troisième économie de la zone euro pour se relancer après la pandémie.

Les Européens s’alarment aussi des positions sur les questions de société de « la Meloni », comme on l’appelle en Italie, dont la devise est « Dieu, famille, patrie », et qui est proche du Premier ministre hongrois ultraconservateur Viktor Orban. Fratelli d’Italia doit son succès autant aux promesses non tenues de ses adversaires et au vent de « dégagisme » qui souffle sur la Péninsule qu’au charisme de sa dirigeante. Cette Romaine de 45 ans qui, jeune militante, disait admirer Mussolini, est parvenue à dédiaboliser son image et rassembler sur son nom les peurs et les colères de millions d’Italiens face à la flambée des prix, le chômage, les menaces de récession ou l’incurie des services publics.

Quel que soit le gouvernement italien issu des élections, qui ne prendra ses fonctions qu’au plus tôt fin octobre, son chemin apparaît d’ores déjà semé d’embûches et sans grande marge de manœuvre. Il devra notamment gérer la crise causée par l’inflation galopante, alors que l’Italie croule déjà sous une dette représentant 150 % du PIB, le ratio le plus élevé de la zone euro derrière la Grèce. Dans le dossier ukrainien, l’Europe et les alliés de l’Italie, membre de l’Otan, scruteront également la répartition des portefeuilles entre les trois partis. Car si Giorgia Meloni est atlantiste et soutient les sanctions frappant Moscou, Matteo Salvini s’y oppose.

Texte Par L’Obs.fr