Après la Suède, l’extrême droite fait une nouvelle percée en Europe avec la victoire de Giorgia Meloni aux élections législatives de ce dimanche 25 septembre en Italie, où pour la première fois depuis 1945 un parti post-fasciste pourrait gouverner le pays. En restant dans l’opposition à tous les gouvernements qui se sont succédé depuis les législatives de 2018, Fratelli d’Italia (FdI), fondé par Giorgia Meloni, s’est imposé comme la principale alternative et est passé de 4,3 % des suffrages il y a quatre ans à environ un quart des voix (entre 22 % et 26 %) aujourd’hui – selon les premiers sondages de sortie des urnes –, devenant ainsi le premier parti du pays.
La coalition que Fratelli d’Italia forme avec l’autre formation d’extrême droite, la Ligue de Matteo Salvini, et Forza Italia, le parti conservateur de Silvio Berlusconi, raflerait jusqu’à 47 % des suffrages. Avec le jeu complexe du système électoral, elle devrait s’assurer la majorité absolue des sièges aussi bien à la Chambre des Députés qu’au Sénat. Si ces résultats se confirmaient, FdI et la Ligue remporteraient ensemble « le pourcentage le plus élevé de votes jamais enregistré par des partis d’extrême droite dans l’histoire de l’Europe occidentale de 1945 à aujourd’hui », a relevé le Centre italien d’Etudes électorales (CISE).
Ce séisme intervient deux semaines après celui qui, en Suède, a vu la victoire d’un bloc conservateur comprenant les Démocrates de Suède (SD), parti issu de la mouvance néonazie qui a réalisé une forte percée, devenant la première formation de droite du pays nordique. SD et FdI font partie du même groupe au Parlement européen. Dans ce qui a été (mal) perçu à Rome comme un avertissement sans frais, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a rappelé que l’Union européenne (UE) disposait « d’instruments » pour sanctionner les Etats membres portant atteinte à l’Etat de droit et à ses valeurs communes.
Embûches
Giorgia Meloni a prévenu Bruxelles qu’elle exigerait de revoir les termes de la relation de l’Italie avec l’UE : « La fête est finie, l’Italie va commencer à défendre ses intérêts nationaux », a-t-elle mis en garde. Elle réclame notamment une réforme du pacte de stabilité et la renégociation, pour tenir compte de l’inflation, de l’aide colossale de 190 milliards d’euros octroyée par ses partenaires européens à la troisième économie de la zone euro pour se relancer après la pandémie.
Les Européens s’alarment aussi des positions sur les questions de société de « la Meloni », comme on l’appelle en Italie, dont la devise est « Dieu, famille, patrie », et qui est proche du Premier ministre hongrois ultraconservateur Viktor Orban. Fratelli d’Italia doit son succès autant aux promesses non tenues de ses adversaires et au vent de « dégagisme » qui souffle sur la Péninsule qu’au charisme de sa dirigeante. Cette Romaine de 45 ans qui, jeune militante, disait admirer Mussolini, est parvenue à dédiaboliser son image et rassembler sur son nom les peurs et les colères de millions d’Italiens face à la flambée des prix, le chômage, les menaces de récession ou l’incurie des services publics.
Quel que soit le gouvernement italien issu des élections, qui ne prendra ses fonctions qu’au plus tôt fin octobre, son chemin apparaît d’ores déjà semé d’embûches et sans grande marge de manœuvre. Il devra notamment gérer la crise causée par l’inflation galopante, alors que l’Italie croule déjà sous une dette représentant 150 % du PIB, le ratio le plus élevé de la zone euro derrière la Grèce. Dans le dossier ukrainien, l’Europe et les alliés de l’Italie, membre de l’Otan, scruteront également la répartition des portefeuilles entre les trois partis. Car si Giorgia Meloni est atlantiste et soutient les sanctions frappant Moscou, Matteo Salvini s’y oppose.